Souvent, lorsque je parle de libération émotionnelle, d'écouter ses émotions, de les laisser librement prendre leur place sans les étouffer, on me répond : « Mais comment faire cela ? » Depuis quelques jours, je ressens une colère monter en moi. J'ai choisi de la mettre dans une petite boîte car, jusqu'à présent, je n'avais pas le temps de discuter avec elle.
En ce mercredi après-midi, j'ai décidé d'arrêter de courir partout, de mettre une pause dans tout ce que j'ai à gérer pour m'ouvrir l'espace d'écouter cette émotion, avant qu'elle ne prenne trop de place et ne me fasse trop de mal à l'intérieur. J'avais le choix : aller marcher, appeler une amie, faire un voyage chamanique, dessiner ou peindre.. J'ai choisi l'écriture.
Jeter mes mots, laisser mes émotions prendre le contrôle de mes mains pour exprimer tout ce qu'elles ont à dire.
Je me suis préparé un thé, installée à côté une tablette de chocolat (parce que bon, les émotions, ça donne faim, lol), mon casque audio avec une playlist inspirante. J'ai pris mon ordinateur portable, et non une feuille et un stylo.
Je vais tenter de partager comment se passe une libération émotionnelle par l'écriture en te faisant vivre la mienne. Attention, je le fais en réel : je ne sais pas ce qui va en ressortir, les mots risquent de partir dans tous les sens. Je te fais entrer dans ma tête, mon corps et mon cœur avec toute mon authenticité et ma vulnérabilité. Le processus commence simplement :
je me pose au calme avec mon ordinateur sur les genoux, ma musique dans les oreilles, et je me demande :
Pourquoi es-tu en colère ?
Et là, je laisse venir, sans chercher si ça a du sens, tout ce qui traverse ma tête. C'est parti !
Alors oui je déçois car je ne sais pas être quelqu'un d'autre que moi-même.. que je ne sais pas faire autrement : aimer pour de vrai ou ne pas aimer pour de vrai.
Je trouve cela injuste que parce que je sais parler, parce que je sais poser des mots, communiquer, parce que je sais être vulnérable et authentique, parce que je sais vivre mes émotions, parce que je sais me remettre en question, parce qu'on me trouve forte, on me demande à moi ce qu'on ne demanderait pas aux autres, qu'on me dise à moi ce qu'on ose pas dire aux autres, qu'on me dise que comme je sais gérer ce que je vis ce n'est pas grave ou pas important....
Sauf que si ça l'est... j'ai la rage, la haine.. de la voir avoir si mal, l'entendre me dire qu'elle a mal, qu'elle a peur, qu'elle veut vivre comme toutes les autres jeunes filles de 20 ans, qu'elle veut pas perdre son boulot, qu'elle veut être sûre de pouvoir fêter ses 20 ans.. J'ai la rage de voir et entendre sa rage et d'avoir rien à lui proposer, pas de solution... du moins pas celle qu'elle veut entendre. Alors pour elle, je continue à chercher, à creuser, à l'écouter, à prendre soin d'elle, à être là présente et dans l'action...
Je n'ai pas la solution magique mais j'ai tout mon cœur et mon amour pour y croire quand elle y croit plus, sourire quand elle pleure pour lui donner l'espoir et pleurer quand elle a la forme et la santé pour profiter de ce mercredi avec ses amis... Tout ce que je fais dans mon métier et de pourquoi je le fais est guidé par la croyance : la femme est un être libre, elle doit oser l'être !!!
Et ce leitmotiv c'est pour ELLE qui est là.. Dans ma mission de mère, je veux lui donner toutes les cartes pour qu'elle ose être tout ce qu'elle veut être, qu'elle ose faire tout ce qu'elle veut faire.. Et c'est tellement injuste que ce soit cette PUTAIN DE MALADIE DE MERDE qui aujourd'hui en empêche d'être pleinement dans sa liberté...
Je sourie et je pleure en même temps de moi-même ... Je n'arrête pas de lui dire qu'elle doit accepter cette maladie, qu'elle doit travailler sur elle pour que sa colère ne l'enferme pas dans un déni qui ne fait qu'augmenter son mal ... Et moi quand je laisse ma colère monter, j'ai cette colère aussi de vouloir brûler, découper, écraser cette maladie !!!
Mais comment accepter que ma fille va vivre sa vie de femme avec cette connasse comme colocataire ???
Là de suite je n'ai pas la réponse car je m'en branle, là je veux juste m'autoriser à ne pas être d'accord, à pleurer ma colère, ma culpabilité, mon impuissance, cette injustice.. Je veux juste pleurer sans me dire que je dois être forte pour elle, que je dois avoir l'espoir pour elle, que je dois ... Et que personne me dise que ça va aller ou que ce n'est pas si grave, que personne me dise que je dois penser aux autres et pas à ma gueule !
Aujourd'hui, je m'autorise à ne pas être d'accord, à pleurer ma colère, ma culpabilité, mon impuissance. Je ne veux pas entendre que ça va aller. Je ne veux pas qu'on me dise de penser aux autres avant moi. J'ai appris à être égoïste, ou plutôt à arrêter de faire passer tout le monde avant mes enfants, mon mari et moi-même.
J'ai appris que l'amour n'est pas conditionné par ce que je fais pour les autres. J'ai appris à m'aimer, à être heureuse dans ma vie, à m'éclater dans mon métier. J'ai appris que je ne peux pas être partout et encore moins en même temps...
J'ai appris que je ne suis pas parfaite et que je suis aimée quand même. Que le véritable amour, qu'il soit en famille, en amitié ou en couple, n'est pas conditionnel à ce que je fais pour l'autre, au nombre de fois où je remplis ses besoins comme il l'a décidé, que l'amour, ça peut se vivre dans une envie et non un besoin...
Aujourd'hui j'ai tout ce que j'ai toujours voulu, un couple dans la communication, qui rit, qui est solide, qui est solidaire, des enfants avec qui j'ai une relation forte, de la complicité, du lien d'amour... Une famille où tout est possible d'être et de faire et d'être acceptée. Ces espaces où on est dans l'ensemble et dans le seul.
J'ai aussi ces espaces où je suis seule avec moi-même, que j'aime ma compagnie, j'ai d'ailleurs ce besoin d'être seule dans mes silences et mes réflexions.
J'ai aussi ce métier que j'aime, que j'organise comme j'en ai envie et besoin, dans lequel je m'éclate, que je fais ce que j'ai envie comme j'en ai envie... Vraiment je kiffe ma vie !!!
Je suis heureuse de ma vie ... Tout ça je l'ai car je le mérite et parce que je me suis donnée les moyens pour l'avoir. Et putain parfois c'est sport et difficile mais putain que ça vaut le coup d'avoir la vie qu'on a envie d'avoir !!!
Alors je crache à la gueule de l'injustice !!!!!
Celle qui fait que ma fille ne mérite pas de vivre avec cette maladie, celle qui fait que mon fils vit ce qu'il vit avec tout ce qu'il met en place pour que ce soit différent, celle qui fait que mon lien avec cette amie se déforme, celle qui compose ce monde partout... celle qui fait partie de l'équilibre je le sais bien...
Et c'est là où mon émotion prend toute sa place. J'ai arrêté d'être cette guerrière combattante car elle me fait trop de mal. Sauf que j'ai toujours jusqu'à peu fait comme ça : contre l'injustice on se bat ! On prend les armes et on fonce, on ne renonce pas, on ne baisse pas la garde !!!
Et par, pour mes enfants, j'ai appris que parfois l'injustice il ne faut pas la combattre, il faut l'accepter pour apprendre à continuer malgré elle, à côté d'elle ou avec elle... Que c'est parfois comme vouloir combattre la mort, c'est une bataille perdue d'avance où à part s'y perdre, perdre du temps et des bouts de soi, il n'y a rien à gagner. Alors que l'accepter c'est apprendre ! Apprendre la résilience !!
Ah ben la voilà celle-là... c'était donc elle qui se cachait derrière !!! La résilience. Car finalement alimenter la plainte, c’est fuir le vrai problème, c’est ne plus être disponible à ce qui se passe. C’est passer à côté de sa propre vie, c’est en avoir démissionné. Tout ce temps à chercher à se justifier, expliquer, combattre, à chercher à prouver, courir après la justice, le lien... c'est du temps perdu sur un combat perdu !!! La justice c’est ne pas se sur-adapter ni se trahir soi-même. C’est avoir un alignement entre ce que je pense, dis, ressens et fais.
Alors ma résilience se pose dans : les gens ne te comprennent pas, trouvent que tu en fais trop. Et toi, tu ne comprends pas que les gens ne réagissent pas à des choses qui te paraissent essentielles ! Et c'est juste comme cela !
L'injustice, l'hypocrisie et l'incohérence me donnent envie de vomir.
Alors j'ai besoin de trouver du sens à tout cela pour que ce soit plus acceptable... Et la résilience se pose dans le fait que le sens est simplement : c'est ce qui doit être... J'ai confiance en la vie !
J'accepte aujourd'hui que la colère et la tristesse me traversent. J'en ai le droit. Pour autant, je ne suis pas la colère ni la tristesse. Ce sont juste des émotions qui passent pour me permettre de vibrer, de libérer, de comprendre et de revenir à la joie d'être vivante. Et c'est cette résilience qui me permet de continuer, jour après jour, à aimer être qui je suis.
Je sens que dedans c'est plus calme, c'est plus doux... la colère est diffuse. Pendant que les mots sont sortis sur l'ordi, j'ai pleuré beaucoup, j'ai pris le temps de me relire, de respirer, j'ai laissé des sons sortir. Je te partage tout cela sans filtre pour te montrer que l'émotion n'a pas besoin d'avoir de sens, elle a simplement besoin d'être.
Si je l'étouffe, elle prend plus de place ailleurs dans le corps. Si je la tais, elle grandit, tapie quelque part, pour exploser. Si je lui donne un espace avec le mode créatif qui me parle à l'instant, elle vit, passe son message et s'en va.
Quand je remets mon mental en me relisant, clairement je ne suis pas d'accord avec tout ce que les mots écrits disent, et surtout j'y mets ma conscience et mon analyse de thérapeute. Mais le travail de libération n'a pas besoin du mental et encore moins de l'analyse. Je n'ai pas à juger ce que j'ai posé ni à le comprendre... L'exercice de libération, quel que soit l'outil, sert à faire taire le juge intérieur et à laisser faire.
Une fois que cela est fait, je peux ensuite voir ce que j'ai à travailler ou pas si j'en ai envie. Je peux mettre du sens, faire du tri ou simplement me foutre la paix et me dire : merci, bravo, je m'aime et je m'accepte telle que je suis.
Emmanuelle <3