La violence, c'est quoi ?

La violence et moi, c’est une histoire ancienne. Une histoire ancrée dans mon enfance. J’ai grandi dans un système familial où mon père parlait fort, mal, avec agressivité et menace. Où ma mère, dépassée par la colère ambiante, attrapait son sac et ses clés pour fuir en voiture.

Aujourd’hui, je peux poser des mots sur cette partie de mon histoire. Parce qu’on en a parlé, eux et moi. Parce qu’il y a eu des excuses, des remises en question, du chemin fait de part et d’autre. Aujourd’hui, on sait tous que ce système était un système de violence inacceptable. Mais voilà : on ne peut pas changer le passé. Seulement en tirer les leçons pour ne pas le reproduire.

Femme en mouvement flou exprimant le tumulte intérieur lié à la violence psychologique.
Crédit photo : Céline Machy

Quand on grandit dans un environnement où la colère est violente, où l’autorité masculine est écrasante, et où tout le monde se tait pour faire comme si tout allait bien, on finit par intégrer que cette violence est normale. Alors, sans surprise, j’ai choisi de poursuivre mon chemin aux côtés d’un homme pervers narcissique pendant dix ans. Et là, en plus de la violence verbale et morale, j’ai noué une relation étroite avec la violence physique.

Souvent, les gens demandent : « Mais comment on accepte ça ? » Ou pire : « Si tu restes, c’est que ce n’est pas si violent que ça. » Mais quand on ne le vit pas, on ne peut pas comprendre ce qui se passe dans le cerveau de quelqu’un qui subit des violences. Encore moins quand cette violence est morale, insidieuse, quotidienne.

La réponse est simple : la jauge de ce qu’on considère comme de la violence augmente. Plus la violence prend de place, plus notre seuil de tolérance monte. Jusqu’à ce qu’on en vienne à considérer qu’un « Ferme ta gueule, connasse » est normal. Pire : qu’il peut être une preuve d’attachement.

C’est un mécanisme d’habituation et de normalisation de la violence, fréquent dans les relations toxiques ou dans certains environnements familiaux, scolaires, professionnels...

Comment ça fonctionne ?

  1. La tolérance monte, la conscience baisse : Au début, une insulte choque. Mais si elle est répétée, " justifiée" , entourée de violences plus lourdes... le cerveau s’adapte pour survivre. Il réévalue la gravité. C’est un mécanisme de défense.
  2. La dissonance cognitive : On ne supporte pas l’incohérence entre l’amour qu’on croit vivre et les coups qu’on reçoit. Alors on justifie : « Il ne le pense pas vraiment », « C’est sa manière d’aimer », « Moi aussi je suis dure parfois ». On rationalise l’inacceptable.
  3. Le seuil de tolérance grimpe : C’est comme une grenouille dans l’eau chaude. Si tu chauffes l’eau lentement, elle ne saute pas. Tu mets une claque émotionnelle une fois, ça fait mal. Tu répètes, tu alternes avec de la tendresse, et cette claque devient un langage. Une habitude. Un mode de relation.

Dans ma relation à la violence, j’ai vécu trois électrochocs.

Le premier : Je me suis enfermée dans les toilettes avec mes enfants de 2 et 5 ans pour échapper à mon ex, qui me menaçait avec un couteau pour un paquet de pâtes mal rangé. Là, j’ai dit STOP. Le lendemain, je quittais l’appartement avec mes deux enfants et deux sacs de fringues. Parce que je ne voulais pas qu’ils grandissent en croyant que l’amour, un couple, un père, ça ressemble à ça.

Le deuxième : Mon aîné avait 8 ou 9 ans. Il était simplement un enfant qui s’agitait. Et j’ai vrillé. J’ai levé la main. J’ai vu la peur dans ses yeux. Et j’ai vu mon mari ( son beau-père ) se mettre entre nous, me dire stop. Ce jour-là, j’ai juré que jamais mes enfants n’auraient peur de moi comme j’ai eu peur de mon père. Ce jour-là, j’ai décidé de changer mon rapport à la colère.

S’en est suivi un long travail d’introspection. J’ai remonté toute la chaîne : les fois où j’ai monté ma jauge de tolérance, où on m’a fait croire que certaines façons de parler ou d’agir étaient acceptables. Parce que tout le monde faisait comme si c’était normal. Pour ne pas casser le « ensemble ».

Oui, ça fait mal de regarder la vérité en face. De voir ses erreurs, ses faiblesses, ses manques de respect. Mais c’est à ce prix qu’on se libère.

Et puis, alors que je croyais avoir sorti la violence de ma vie, j’ai vécu mon troisième électrochoc. Un conflit qui a ravivé ma plus grande blessure : la violence du masculin. Cette fois, la petite fille en moi n’avait plus peur. Elle était guérie. Mais la femme a réagi. Fort. Trop fort. J’ai eu peur de moi-même. J’ai vu la violence en moi. Celle de la lionne qui défend son clan, qui ne lâche rien.

Et là, je me suis dit : « Merde. J’ai cru avoir changé. Mais je suis pas mieux que ceux que j’ai condamnés. »

Même si cette violence était une réponse, une défense, pas une attaque… elle était là. En moi. J’ai dû apprendre à l’accepter, à la reconnaître. Pour de vrai.

C’est ce moment-là qui a marqué le vrai début de ma transformation. C’était il y a des années. Et depuis, j’ai appris à faire autrement. À sécuriser autrement. À poser mes limites autrement. J’ai appris à redescendre ma jauge.

Et non, avoir été élevé dans la violence ne justifie pas de la reproduire. Utiliser son passé comme excuse pour ne pas se remettre en question, c’est refuser le courage de se transformer. C’est un choix d’irresponsabilité et d’immaturité vis-à-vis de ses enfants, de son/sa conjoint·e et de soi-même.

Aujourd’hui, je perçois la violence dans une simple intonation de voix. Dans un soupir. Dans un silence qui juge. Je n’ai plus besoin de preuves visibles. Je fais confiance à mon corps, à mon système.

Je ne suis pas fragile. Je suis réveillée.

La force, ce n’est pas d’endurer toujours plus. C’est de savoir dire non. Et stop.

Je ne confonds plus la force avec l’endurance à la violence. Ma jauge s’est recalibrée. Et c’est ma plus grande victoire.

Aujourd’hui, je ne débat plus avec ce qui est violent ou pas. Je ne justifie pas. Je ne discute pas mes limites. C’est non. Et c’est bye.

Ce rapport à la violence, qu’il s’agisse de la libération de mes propres traumas ou de la gestion de ma colère, je l’ai traversé accompagnée. J’ai travaillé tout ça en individuel avec des thérapeutes au fil des années… et aussi, en vous accompagnant vous tous.

Vous qui venez en retraite thérapeutique. Vous que j’accompagne. Vous qui vous livrez. Vous qui osez.

Vous accompagner dans votre propre libération, entendre vos histoires, apprendre de vous, vous soutenir dans votre liberté d’être… ça me nourrit, ça me guérit, et ça me porte, ça grandit mon coeur et ma vision du monde et de l'humain.

Parmi tous les sujets que l’on travaille en retraite thérapeutique, la violence – qu’elle soit subie ou incarnée – est une thématique souvent déposé par les participants. Et elle a besoin d’un cadre spécifique : un espace de sécurité, de douceur, de profondeur, d’humanité et de bienveillance. C’est exactement ce que les retraites offrent.

Et c’est pour ça que ce travail-là, ensemble, est si précieux comme particulièrement dans la retraite Thérapeutique " Coeur de Flammes " libérer et aimer sa colère et sa tristesse dont tu trouveras les infos ici. Les images de cet article sont d'ailleurs ici de l'édition 2024 de cette retraite que je co-crée avec Céline Machy.

Échange de regard intense entre deux femmes illustrant la reconstruction après la violence.
Crédit photo : Céline Machy

La violence, c’est quoi ?

La violence, c’est toute intrusion qui dépasse ton consentement, ton intégrité ou ta sécurité.

Ce n’est pas juste les coups. Ce n’est pas juste les cris. C’est ce qui te fait douter de toi, de ta valeur, de ta perception. C’est ce qui te crispe à l’intérieur. C’est ce qui te pousse à te taire pour éviter le conflit. C’est ce qui t’oblige à t’adapter à un climat qui ne te respecte pas.

Comment reconnaître si c’est violent ?

Pose-toi ces questions :

  • Est-ce que je me sens en sécurité ici ?
  • Est-ce que j’ai le droit de dire non sans payer un prix ?
  • Est-ce que je peux être moi sans me faire juger ou rabaisser ?
  • Est-ce que mon corps se détend… ou se tend ?
  • Est-ce que j’ai peur de l’autre… ou de moi dans cette relation ?

Si tu coches du rouge… c’est qu’il y a de la violence. Même subtile.

À retenir :

  • La violence, ce n’est pas dans le geste seul. Elle est dans l’intention, le ton, le climat.
  • Ce qui est tolérable pour quelqu’un peut être violent pour toi. Et c’est suffisant pour dire non.
  • Ton corps ne ment jamais. Si ton ventre se serre, si ton souffle se bloque, si ton cœur cogne… écoute.

La violence, c’est tout ce qui te fait te trahir pour rester dans le lien.

Plus tu te reconnectes à ton corps, plus ton curseur s’affine. Plus tu deviens libre. Et plus tu dis non vite, clair, sans te justifier.

Et ça, c’est la vraie force.

Je termine cet article avec un message du cœur : je veux remercier mes parents pour le chemin qu’ils ont fait avec nous et surtout avec eux même. Merci pour votre courage, pour votre ouverture, pour avoir osé regarder en face et avancer. Je vous aime très fort.

Et je veux aussi honorer le chemin de ma petite sœur, et le mien. Deux femmes, deux filles issues du même système, qui ont eu le cran de dire STOP. Et de dire BYE à la violence. Je suis fière de nous.

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