D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours trouvé un reproche à faire à mon corps et je n'ai jamais était dans la paix avec mon corps...
Quand mon corps a commencé à se transformer en corps de femme, je l'ai détesté... J'ai été maigre toute mon enfance, au point où ma Maman me donnait du sirop pour augmenter mon appétit, je me rappelle encore de son super goût mega sucré, de son flacon blanc avec des ronds de couleur... (truc de fou ce que le cerveau arrive à se rappeler ! Ps : ça s'appelle un ancrage), je me rappelle que ma grand-mère s'inquiétait que je me laisse mourrir de faim et que toutes les stratégies étaient bonnes pour me faire manger un peu, ou me forcer...
On me traitait de "squeletor", de "Emmanuelle la poubelle", de "planche à pain"... Je me rappelle vouloir, comme toutes mes copines, porter un levis 501 alors que même la plus petite taille m'allait 10 fois trop grande... Quand je rentrais du collège, je pleurais devant la fenêtre de ma chambre en regardant la colline en face de chez moi (le Gros Cerveau pour les Varois), en priant, en suppliant je ne sais quoi ou je ne sais pas qui de devenir grosse !!!
Oui oui ! Je ne voulais pas juste grossir, je voulais être grosse ! Je voulais avoir des grosses cuisses, je voulais avoir des gros seins, je voulais être grosse pour me sentir forte face à tous ceux qui me jugeaient et me faisaient du mal au collège. Je me disais que si je n'étais plus cette petite chose fragile, ils n'oseraient plus faire les malins avec moi...
Et en même temps que j'espérais fortement doubler mon poids, j'avais un papa qui contrôlait tout ce qu'on mangeait, car pour lui, une femme est belle si elle est mince, sportive, et lorsqu'elle entretient son corps.
Alors quand mon corps m'a écouté et m'a bien évidemment donné ce poids en plus (on voit ce que l'on croit... et on obtient ce que l'on demande), il a fallu que j'attende d'avoir environ 35 ans pour assumer mon corps en maillot devant mon père...
C'était même plus difficile pour moi l'avis de mon père que de mon mari ! Evidemment ça c'était dans ma tête, et ce n'est pas la faute de mon père (on y reviendra un autre jour sur les injonctions de l'éducation lol).
Alors voila comment j'ai fait connaissance avec mon corps de presque femme... Et depuis l'adolescence, au final, je n'ai jamais été contente de lui ! J'ai toujours trouvé un morceau de moi que j'aimerais changer : pas assez de seins, pas assez de fesses, pas assez grande, et puis trop de ventre, trop de graisse... trop de ci et pas assez de ça !
En fait non, c'est faux...
Il y a de cela 5 ans, je me suis lancée le défi de participer à la Spartan Race. Un an d'entrainement, une envie de fou de prouver que l'on n'a pas besoin d'être sculptée comme une athlète ou un mannequin pour maitriser son corps et le performer, mais aussi l'envie évidemment de montrer à mon père que je suis capable (si vous saviez le nombre de trucs que j'ai fait juste pour lui prouver des trucs à lui, et encore une fois, il n'a rien demandé et ne le sait même pas lol ).
J'ai donc, il y a 4 ans, réussi la Spartan Race en ayant vécu quelques semaines avant une des épreuves de vie qui m'a le plus changé, voire même celle qui m'a révélé à moi même... Cette épreuve a entrainé une coupure radicale entre mon corps et moi...
Il pouvait bien faire ce qu'il avait envie, je m'en foutais complètement !!! Arrêt du sport avec incapacité totale de mettre une paire de baskets, rien que d'aller marcher en forêt comme j'aime pourtant tant le faire était devenu impossible... Alimentation pour se donner du plaisir et soigner ses blessures de l'âme... Ce qui a évidemment entrainé le fait que ce corps maltraité a voulu se faire entendre, résultat : maladie, prise de poids+ + + (...)
Je ne suis pas montée sur une balance pendant 4 ans et ça m'allait très bien. Et au final, cette rupture entre lui et moi m'a obligé à l'aimer... Oui, oui ! A l'aimer !
J'ai arrêté de voir ce corps physique comme une image de ma valeur, ce n'est pas la taille de mon pantalon, mon poids, la fermeté de ma peau, mon tour de poitrine ou le nombre de rides qui déterminent si je suis une femme belle, si je suis une bonne personne, si je suis désirable dans les yeux d'un homme...
...et j'ai construit ma propre image de ce que je veux être comme Femme. J'ai donc fait le choix que mon corps n'est ni objet de désir, ni de réussite sociale. Mon corps, il est mon meilleur ami, celui qui me permet de VIVRE !
J'ai appris à m'aimer avec mes kilos, à me trouver belle avec... J'ai appris que je ne serais jamais mince car c'est pas ce que j'aime être. J'aime mes formes et j'aime renvoyer cette image d'une femme hors critères de la sur-sexualisation du corps féminin.
Je suis heureuse de vieillir car c'est un cadeau de la vie et j'ai appris à remercier mon corps d'être en bonne santé pour me permettre de tout faire pour conserver cette bonne santé. Je suis heureuse de chaque marque sur mon corps, car elles racontent mon histoire et elles sont le souvenir de cette magnifique expérience qu'est la vie.
Pour en arriver là, j'ai d'abord accepté d'assumer que je lui en voulais à ce corps, et je suis allée chercher pourquoi je lui en voulais, j'ai pris conscience que je l'ai détesté car en fait personne nous apprend à l'aimer ce corps, au contraire, on nous apprend à le juger et à vouloir le changer sur les critères d'une beauté éphémère, j'ai pris conscience des croyances que j'avais choisi de croire depuis mon adolescence, l'une d'elles était qu'une femme mince est une femme fragile donc en danger, une autre était que pour être vue, entendue et respectée, il fallait prendre de la place en tant que femme...
Ensuite, j'ai appris à manger en conscience et non plus parce qu'il faut manger. J'ai ensuite travaillé sur ma féminité : c'est quoi être une femme pour moi ? Attention pas celle qu'on nous dit d'être ! Je me suis alors questionnée :
Est-ce que faire un 38 c'est ce que tu veux vraiment ou ce qu'on te demande d'être pour être aimée et être reconnue comme jolie ? Est-ce que mettre des talons, un soutif c'est ce que tu aimes toi ou ce que l'on attend de toi en tant que femme ? Est-ce que te raser, te maquiller, t'habiller comme ci ou comme ça, ça te fait plaisir où c'est parce que tu as peur du jugement des autres ? J'ai donc tout déconstruit et j'ai reconstruit au fur et à mesure... Et cela a pris 4 ans !!! Et certainement que l'arrivée, dans quelques semaines, de mes 40 ans y est pour beaucoup.
...Je peux vous dire fièrement qu'aujourd'hui j'aime mon corps. Aujourd'hui je le remercie de me permettre d'être en vie (et je te remercie toi <3 de m'avoir fait ce rappel que notre corps physique n'est pas immortel). Aujourd'hui je peux vous dire que je m'en balance du poids sur la balance, de la taille de mon jean, du nombre de rides que j'ai, voire même de mes cheveux blancs à cause du confinement (j'ai pris rdv au coiffeur parce que j'aime beaucoup mon roux mais 3 semaines après la fin du confinement, car ce n'est pas une urgence prioritaire).
Aujourd'hui je me sens belle et je suis une femme libre, épanouie et heureuse. Aujourd'hui je me sens belle et je prends soin de mon corps parce que je veux qu'il m'emmène jusqu'à mes 85 ans pour faire la fête avec mes enfants, mes petits-enfants voir même mes arrières petits-enfants et mon mari. Aujourd'hui j'aime mon corps et chaque matin grâce à lui j'ouvre les yeux pour vivre une nouvelle journée.
Aujourd'hui je suis en paix avec lui et je le remercie de me permettre d'aller marcher des heures en pleine forêt, d'aimer mettre mes baskets pour faire du sport, de prendre plaisir à manger ce qui lui permet d'être en bonne santé.
Et toi et ton corps, c'est quoi votre histoire ?
Ps : Dites chaque jour à vos filles qu'elles sont belles, valorisez leur féminité, leur place de femme, rendez-les fières de leur corps tel qu'il est, encouragez-les à devenir la femme qu'elles veulent être, même si ça ne vous convient pas, complimentez-les... Elles sont belles simplement parce qu'elles sont des femmes !