J'ai eu envie d'écrire un article qui vient mettre en lumière à la fois la beauté et la perversité possible du développement personnel (mais ça marche aussi pour ceux qui ne sont pas adeptes de cela) : Apprendre à s'écouter VS s'écouter sans oublier le lien.
Parce que, derrière les beaux concepts qu’on lit partout – « s’écouter », « se prioriser », « poser ses limites » – il y a parfois une dérive sournoise : celle de transformer ces clés en excuses, en cartes joker pour fuir nos responsabilités dans nos relations.
Tu sais, ces phrases qu’on entend souvent :
« Je n’ai plus à me justifier. »
« Je me priorise. »
« J'ai appris à m'écouter et à poser mes limites. »
« Ça, ça t'appartient !! »
Sur le papier, c’est puissant. Dans le cœur, ça libère. Dans la pratique, j’ai vu – et vécu – combien ça pouvait aussi isoler, couper, blesser si on s'arrête juste là.
Parce que s’écouter, oui. S’écouter sans oublier le lien, ça, c’est autre chose. Et c’est ça que j’ai envie de mettre en lumière aujourd’hui.
Chez moi, le lien est une valeur sacrée.
Certains diront que c’est parce que je suis cancer, d’autres parce que je suis l’aînée d’une fratrie, celle qui se sent responsable de porter, de relier, qui veut tenir la maison debout quand ça vacille. Peut-être. Moi, je crois que c’est simplement inscrit dans mes cellules : je crois au « être ensemble ».
J’ai toujours eu cette obsession de garder les connexions vivantes, à essayer pendant très longtemps de courir après les autres en cas de distance ou de conflit, à tenter 100 000 trucs, même ce qui me mettait à mal, pour sauver le lien. Je n'aime pas les conflits mais je n'en ai pas peur, je crois même qu’ils sont parfois nécessaires pour améliorer et renforcer le lien. Je cherche toujours à rétablir le dialogue, à éviter que quelqu’un se sente exclu. Moi, je suis la fille que si je t'invite à manger et que tu me dis 10 min avant que ta cousine que je n'ai jamais vue est seule ce soir, je vais te dire : « Ramène-la avec nous. »
J'ai longtemps été celle que, même si tu me chier à la gueule, je te pardonnais car le lien était plus important que tout... Maintenant, ça s’est transformé dans ma vie de femme, de mère, de coach, de thérapeute : j'ai appris à m'écouter et à me prioriser, à poser mes limites. J'ai compris que la relation et le lien les plus importants étaient avec moi-même. J'ai appris aussi à aimer être ma meilleure compagnie et j'ai gardé cette idée que le lien est un espace de guérison, de transformation, d’humanité.
Mais voilà ce que j’ai découvert : quand on change sa façon d’être, ça change forcément la dynamique autour. Quand je me priorise, mes relations bougent. Quand je dis non, mon entourage réagit. Quand je pose une limite, ça crée un déplacement dans le système.
Et c’est là que la vraie question se pose : est-ce que j’assume l’impact que ça a sur le lien ? Est-ce que je vis vraiment s’écouter sans oublier le lien ?
Je vais te donner un exemple concret. Dans l’équipe des retraites que j’organise, je travaille avec d’autres thérapeutes, qui sont aussi des amies. Pendant des années, on a co-créé ensemble. Nos liens étaient nourris par ces projets communs, par l’énergie de la création, par la joie de partager nos visions.
Puis, une amie a pris une décision importante. Elle a choisi de se repositionner dans sa vie pro, de s’écouter, de se prioriser. Et dans ce choix, elle a décidé de ne faire qu’une seule retraite avec moi dans l’année.
Est-ce que je respecte sa décision ? Oui. Est-ce que c’est juste pour elle ? Bien sûr.
Mais est-ce que ça a un impact dans notre lien ? Évidemment.
Parce qu’en réduisant la co-création, notre relation s’est transformée. Moins de moments partagés, moins d’échanges, moins de bouillonnement commun. Et là, ça devient la responsabilité de chacune : si on veut entretenir le lien, il faut choisir consciemment de nourrir la relation autrement.
Voilà l’exemple parfait de ce que je veux dire : s’écouter sans oublier le lien. Parce que oui, se prioriser est un acte de liberté. Mais croire qu’il n’y aura aucune conséquence, c’est une illusion.
Je le dis cash : j’aime le développement personnel, il a changé ma vie.
Mais j’ai aussi vu ses dérives.
Parce que combien de fois ai-je entendu des phrases comme :
« Moi maintenant, je me priorise. »
« Je ne suis pas responsable de comment les autres vivent ce que je dis. »
« Je coupe ce qui ne m’apporte plus. »
Ça a l’air fort, ça sonne puissant. Mais parfois, ce sont juste des masques.
Parce que se cacher derrière « je protège mon énergie » pour éviter une conversation difficile, ce n’est parfois pas du courage, c’est de l’évitement.
Parce que claquer « je n’ai pas besoin de me justifier » pour couper court, ce n’est parfois pas une limite saine, c’est une porte claquée au nez du lien.
Parce qu’annoncer « je coupe les relations qui ne me nourrissent plus » sans jamais avoir osé dire son ressenti, ce n’est parfois pas une libération, c’est une fuite.
Et à force de jouer cette carte joker, on s’enferme dans une nouvelle prison. Une prison dorée, bien décorée, mais une prison quand même.
Alors, qu’est-ce que ça veut dire, concrètement, s’écouter sans oublier le lien ?
Ça veut dire que oui, je m’écoute. Oui, je me priorise. Oui, je pose mes limites.
Ça veut dire aussi que j’assume l’impact que ça a autour de moi, quand ce qu'il y a autour de moi, ce sont des liens ou des relations qui comptent.
Parce qu’on ne vit pas dans une cabine isolée au fond d'une forêt (parfois j'aimerais bien y aller deux ou trois jours, lol).
On vit dans des familles, des couples, des amitiés, des collectifs, des entreprises.
Chaque choix, chaque non, chaque limite posée bouge quelque chose dans le système.
La vraie responsabilisation, c’est de dire :
« Voilà ce que je choisis, voilà ce que ça change. »
« Je dis non, mais je sais que ça va transformer quelque chose, et je l’assume. »
« Je me priorise, mais je n’oublie pas que ça touche le lien, et je prends ma part de responsabilité. »
C’est ça, la différence entre liberté et égoïsme.
Pour éclaircir encore, j’aime faire la distinction entre le lien et la relation.
Le lien, il est invisible, énergétique, profond. Il est là même quand on ne se parle plus, même quand on s’éloigne, même quand on est mort.
La relation, c’est la forme concrète que prend ce lien : les appels, les messages, les moments passés ensemble, les projets partagés.
Et c’est là que ça se joue. Parce que si je reste enfermée dans « je me priorise » sans jamais nourrir la relation, l’autre finit par s’épuiser. À force de porter seul le fil, il finit par lâcher... Et c'est la responsabilité de qui à ce moment-là ? Car selon moi, dans le respect du lien, c'est aussi respecter que l'autre ne veuille pas ou plus de relation...
À l’inverse, si je choisis d’entretenir la relation, même autrement, même avec moins, alors le lien reste vivant. Et ça, c’est une responsabilité partagée. La relation évolue et, comme tout est mouvement et changement, c'est ok.
Au fond, le lien ne se limite pas aux relations humaines. Le lien est une dimension existentielle. Il y a le lien à soi, ce fil intime qui nous relie à notre vérité intérieure, à nos émotions, à notre corps, à notre âme. Il y a le lien aux autres, ce tissu invisible qui fait de nous des êtres de relation, des êtres d’amour, de partage, de confrontation aussi. Et puis il y a le lien au vivant, à la nature, à la terre, à tout ce qui respire et vibre autour de nous.
Quand on parle de s’écouter sans oublier le lien, on parle de cette responsabilité sacrée : honorer la connexion dans toutes ses dimensions. Parce qu’à chaque fois que je me coupe de moi, je perds mon ancrage. À chaque fois que je me coupe de l’autre, je perds un miroir. À chaque fois que je me coupe du vivant, je perds ma place dans le grand cercle de la vie.
Le lien n’est pas une option. Le lien est ce qui nous rappelle que nous ne sommes pas des îlots isolés mais des parcelles d’un même grand tout.
Je le sais, ça peut vite devenir flou. Poser ses limites, c’est essentiel. Mais comment savoir si je suis dans une “juste limite” qui me protège et me respecte… ou si je suis tombée dans l’excès, celui qui me coupe du lien et m’enferme dans une nouvelle prison ?
Pour moi, il y a quelques signaux qui ne trompent pas :
Alors qu’une limite saine, elle, se reconnaît à quoi ?
C’est là toute la nuance : une limite posée dans la conscience ouvre un espace, une limite posée dans la peur ou la fuite ferme la porte.
Prends un carnet, un stylo, et joue le jeu.
Étape 1 – Écris tes phrases joker
Note toutes les phrases que tu dis ou que tu entends :
« Je me priorise. »
« Je protège mon énergie. »
« Je n’ai pas à me justifier. »
Étape 2 – Observe l’impact
Pour chaque phrase, écris :
Étape 3 – Pose la vraie question
Est-ce que, dans cette situation, je vis vraiment s’écouter sans oublier le lien ?
Étape 4 – Respire et choisis
Relis tes réponses. Respire. Et demande-toi : quelle responsabilité je prends dans ce que ça change ?
Le vrai travail sur soi, ce n’est pas juste se prioriser.
C’est aller au bout.
Assumer mes choix.
Assumer mes émotions.
Assumer mes conséquences.
Reconnaître que mes décisions bougent mes liens.
Pas pour culpabiliser. Pas pour plaire à tout le monde. Mais pour rester en vérité.
Sinon, le développement personnel devient un nouveau masque.
Une croyance de plus, qui au lieu de libérer, enferme.
Pour moi, tout est une question d’équilibre.
Oui, il est vital de s’écouter, de se prioriser, de poser ses limites.
Et oui, il est vital d’entretenir les relations qui comptent, de nourrir les liens, d’assumer l’impact que nos choix ont sur les autres.
Ce n’est pas noir ou blanc.
Ce n’est pas « je m’écoute et je me fous du reste » ou « je me sacrifie pour les autres ».
C’est une danse subtile, mouvante, vivante.
Parce que la vraie liberté, ce n’est pas choisir entre soi et l’autre.
C’est apprendre à vivre les deux.
S’écouter sans oublier le lien, c’est ça, la maturité émotionnelle.
C’est ça, la profondeur du chemin.
Alors je te pose la question :
Dans ta vie, aujourd’hui, est-ce que tu arrives à t’écouter sans oublier le lien ?
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